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La Noria

En Provence, l’eau est précieuse. Les romains qui s’étaient installés à la Ruol étaient déjà confrontés à cette réalité et ce sont eux qui ont commencé à aménager le site. Les gaulois y ont aussi laissé leur trace, nous avons en effet découvert une borne druidique (d'ailleurs toujours en place), avec ses quatre arêtes verticales concaves. Elle devait appartenir à un ensemble en forme de croix, caractéristique de cette époque et servant à matérialiser les lieux à forte résonance énergétique, spirituelle ou religieuse.
Les siècles sont passés, et le site s'est transformé en un complexe hydraulique extrêmement bien pensé et certainement très efficace.

Laissés à l’abandon depuis près de 40 ans, tous ces ouvrages étaient en piteux état lorsque nous nous sommes installés ici en 1994 :


Aujourd'hui, en arrivant à la Noria par le chemin des iris, on tombe sur une tour basse construite à la naissance de l'ouvrage pour permettre au mulet activant le mécanisme de circuler sur une aire plane.

Au centre de cette aire de circulation de neuf mètres de diamètre, se trouve le puits et son mécanisme

Un puits de neuf mètres de profondeur équipé d’un mécanisme datant de la révolution industrielle, aussi beau qu'ingénieux, trône au milieu du cercle. Ce mécanisme est constitué de deux parties intégrées à deux énormes blocs de pierre dont l'un sert de socle au mécanisme d'entraînement. L'autre bloc a été sculpté à la main en forme de coupe pour recevoir et distribuer l'eau se déversant des godets vers différentes destinations. L'eau était en effet puisée par des godets (toujours en place) en forme de jardinière qui se déversaient une fois arrivés en haut dans un astucieux système de secteurs ouverts d'un seul côté donnant sur la pierre sculptée en forme. Il était alors possible de choisir la destination de l'eau fraîchement tirée : soit vers le petit bassin ou lavoir, soit dans le grand bassin ou vivier à poissons, soit dans un système d’irrigation en terre cuite longeant les restanques et permettant d’arroser des parcelles jusqu'à plusieurs centaines de mètres de la Noria. Plusieurs mètres de ce système d'irrigation ont pu être sauvés du temps.
Au fond du puits, débouche l'entrée d'une galerie voûtée en pierre qui se voit très bien d'en haut. Un muret y délimite le niveau du trop plein permettant d'évacuer l'excès d'eau vers une grande galerie souterraine située dans le champ en contrebas de la Noria. Toujours au fond du puits, on peut voir deux renfoncements surplombés d'une voûte dans les parois du puits. Ils permettaient à un homme d'observer in situ le fonctionnement du mécanisme de remontée d'eau à ce niveau sans risquer de blessures. Ils permettaient aussi d'intervenir sur le mécanisme, d'un côté comme de l'autre, pour l'entretenir ou le réparer.


Nous avons aménagé le grand bassin de 6 m sur 4m 50 par 1m70 en piscine. Lorsque nous avons découvert ce bassin, il était entièrement enfoui sous les ronces. En le dégageant, nous avons trouvé un fond presque entièrement carrelé en terre cuite émaillée. Presque, car au centre, nous avons trouvé une fosse carrée d'un mètre de côté donnant directement sur la roche. Ce réceptacle avait probablement plusieurs fonctions. Non seulement il permettait de récolter toutes sortes de dépôts, mais il permettait aussi aux poissons de survivre lorsqu'il fallait vider le bassin afin d'en assurer l'entretien ou de colmater les fuites. De nombreux carreaux étaient absents ou cassés quand nous avons découvert le bassin mais, dans l'optique de le rénover comme à l'origine, nous n'avons touché à rien, seulement comblé le trou avec de la terre pour pouvoir installer une bâche. Pour l'été 2010, nous avons prévu de remplacer cette bâche par un liner.


Le petit bassin servait à l'époque de lavoir et c'est à cet effet que les pierres de bordure étaient inclinées vers l'intérieur. Une partie du lavoir est construite sous l'aire de circulation du mulet avec une très belle voûte permettant de supporter le poids de la construction surplombante. Nous y avons provisoirement installé le système de filtration du grand bassin, mais il sera bientôt déplacé et le lavoir retrouvera son état d'origine.


la Noria disposait en outre d'un approvisionnement en eau provenant d'une source coulant à quelques centaines de mètres vers le nord. Cette source alimentait un ruisseau passant à proximité de la Noria, mais l'eau était captée à sa source et s'écoulait dans une canalisation en terre cuite longeant le fond du ruisseau jusqu'au niveau de la Noria. La canalisation quittait alors le ruisseau pour, sous terre, traverser un petit champ et finalement remonter de plusieurs mètres avant de se déverser directement dans le petit bassin. Sur la photos ci-dessus on peut d'ailleurs voir son arrivée dans ce bassin à droite de la voûte, juste à côté de l'entrée d'une autre canalisation qui permettait cette fois de déverser le trop plein vers le grand bassin aux poissons.
La source se situant à une altitude supérieure à celle du petit bassin, bien que la sortie du ruisseau se situe presque trois mètres en contrebas du petit bassin, l'eau pouvait y remonter par la seule force de la gravité.

Une galerie souterraine entièrement voûtée a été construite en pierres épousant les formes naturelles de la roche. De deux mètres de haut sur deux mètres de large, elle s'étend sur plusieurs dizaines de mètres à deux mètres sous terre. A l'époque, elle servait de réserve durant les périodes de sécheresse estivales. Son entrée, fermée par une énorme pierre plate d'une vingtaine de centimètres d'épaisseur, s'ouvre sur trois mètres de vide. D'un côté on y trouve l'entrée de la galerie et de l'autre, une communication directe avec le fond du puits, au niveau de l'entrée voûtée équipée de son muret de trop plein.

L'histoire des eaux de la Noria se prolonge ensuite de bassin en bassin dans la campagne Pugétoise.

La rénovation de ce splendide trésor de la culture provençale nous aura demandé trois années d’efforts. Sans aucune subvention mais avec l'aide de quelques amis, et comme vous pouvez le constater sur ces photos, le plus gros est fait.

Une des prochaines étapes consistera à rénover le grand bassin pour lui faire retrouver sa configuration originale avec les parois enduites vert/jaune (nous en avons retrouvé la trace), le fond carrelé "rouge tomette", et le fond de roche en creux apparent. Un autre objectif consistera à rénover le système de distribution de l'eau de façon à en rendre toute l'ingéniosité apparente aux visiteurs. Un jour, j'essaierai de refaire tourner le mécanisme. Cela risque de ne pas être simple car le figuier qui s'est invité sur les lieux il y a probablement quelques décennies vue l'ampleur de la souche incrustée dans la construction, a réussi à déplacer le bloc de pierre de plusieurs centaines de kilos sur lequel est ancré le mécanisme d'entraînement, bloquant ainsi le mécanisme. Le temps de ce figuier destructeur d'ouvrage est compté, car dès que nous le pourrons, nous le supprimerons et terminerons la rénovation de l'entrée du puits.

Un jour, peut-être, lorsque nous aurons réussi à rénover le cabanon en pierre qui servait d'écurie, verrons-nous à nouveau un mulet tourner tranquillement autour du puits, la barre au dos entraînant l'axe faisant tourner le train de godet entre deux séances de broutage bien garnies.

Le rêve ultime, serait de rénover le système d'alimentation en eau de source par gravité, avec sa canalisation en terre cuite s'étirant à partir de la source tout au long du ruisseau jusqu'à traverser le petit champ, et remonter déverser sa fraîcheur dans la douce torpeur de l'été.

Alors, ce joyau unique de la culture provençale, magnifiquement esthétique tant il brille par son ingéniosité fonctionnelle, aura retrouvé toute l'harmonie du temps de sa splendeur.

Le 24 mai 2009 à la Noria,

Dominique Guyaux

 

Ci-dessous quelques photos de la Noria avant rénovation

L'arrivée par les iris...

L'aire de circulation (on voit l'axe du mécanisme du puits perdu au milieu des branches du figuier).

Le grand bassin...

Le fond du grand bassin avec ce qu'il restait de son carrelage original et le décaissement alors comblé de terre au centre.